«RAVEN» VS «THE RAVEN» : SUR L’ÉCRITURE ANTHROPOLOGIQUE

Un commentaire de Bill Reid, publié en 1984 dans Culture, nous rappelle qu’il faut faire preuve de prudence et de vigilance par rapport à l’écriture.

Dans ce commentaire, Bill Reid exprime son agacement profond vis-à-vis d’une pratique qu’il juge courante chez les ethnologues : ceux-ci omettent selon lui généralement d’utiliser un déterminant lorsqu’ils font références aux créatures mythiques de la Côte-Nord-Ouest du Canada, préférant mettre une majuscule au nom de leur espèce ( ils écrivent « Raven » plutôt que « the raven »).

Pourtant, les aînés autochtones utilisent un article ou un nom propre vernaculaire pour parler des protagonistes des mythes autochtones, ce que l’écriture des  ethnologues devraient, selon Reid, refléter de manière à respecter ces aînés (1984 : 64). Il considère que cette pratique est peut-être attribuable à une association, en Occident, des mythes à des histoires pour enfants. Il donne en exemple la personnification de Winnie the Pooh, mais souligne en contraste que les monstres classiques, comme le Minotaure, sont décrits avec un déterminant (Ibid : 64).

Selon Reid, la suppression du déterminant, et surtout l’utilisation du nom de leur espèce plutôt que leur nom vernaculaire propre, diminue les grandes figures mythiques à des personnages de simples histoires folkloriques (64-65). Il conclut finalement :

« (…) [it] is an exercise in condenscension. For it is a device used only when recording the literature of tribal people, completely unsanctionned by any accepted standards of ordinary English usage, and is therefore discriminatory, and no matter how unconsicous its use, ultimately racist ». (65)

Cet exemple indique, selon moi, clairement comment des biais subtiles peuvent influencer le choix de vocabulaire des chercheurs.

Référence :

Reid, B. (1984). The Anthropologist and the Article. Culture4(2), 63–65.