Pourquoi un questionnaire électronique dans le cadre d’une recherche anthropologique ?

Métaphore horticole et méthodologie scientifique

Dès le 1er mai, vous pourrez répondre à un court questionnaire électronique sur Odeimen et courir la chance de remporter des prix de participation. Le questionnaire vise à mesurer le rayonnement et les effets d’Odeimen.

Je me suis longtemps questionnée sur les meilleures techniques pour mesurer et documenter les effets du Projet Odeimen, que je documente dans le cadre de ma recherche doctorale.

Ce projet peut toucher toutes les personnes qui visitent les lieux où 8 œuvres ont été installées à travers la grande région de l’Abitibi-Témiscamingue. Ainsi, il aurait été utile de mener des entretiens individuels auprès de la population des villes qui hébergent les œuvres et des communautés anicinabek avoisinantes. C’est par ailleurs la méthode de collecte des données privilégiée dans le cadre d’une recherche anthropologique.

Or, selon la méthodologie choisie, il aurait été nécessaire de recruter des dizaines de personnes additionnelles, voire près d’une centaine, pour obtenir un échantillon pertinent. Réaliser et analyser autant d’entretiens est ambitieux même lorsqu’une recherche est menée par une équipe, mais cela s’avère démesuré dans le cadre d’un projet doctoral mené par une seule personne. Un entretien d’environ 1 heure exige plusieurs heures additionnelles de travail (planification, transcription, analyse et validation auprès des personnes), sans compter le travail de synthèse des données pour l’ensemble du corpus. Comme je l’ai indiqué dans l’Infolettre no 7 – Odeimen, j’ai déjà recueilli un grand corpus de données dans le cadre de cette recherche. Il s’avère donc important, à ce stade, de combiner la rigueur scientifique avec la faisabilité. Le choix du questionnaire comme outil de collecte de données me semblait donc justifié pour obtenir précisément des données sur les éléments suivants :

  • Le rayonnement du projet Odeimen ;
  • L’appréciation de la population régionale envers celui-ci ;
  • Les effets sur les personnes ayant aperçu les œuvres en personne ou en mode virtuel ;
  • Les changements souhaités par les personnes utilisant les services de santé ou les services sociaux dans la région et la nature de leurs expériences auprès de ces services.

Un questionnaire électronique permettra d’obtenir des informations pertinentes pour compléter celles que les entretiens que j’ai déjà réalisés ont permis de recueillir à ce jour. Ces deux méthodes offrent différents avantages et m’apparaissent complémentaires.

Les entretiens individuels permettent d’explorer en profondeur les thématiques soulevées par les personnes en réponses aux questions des scientifiques, de demander à chacune des précisions et des clarifications. Les données qui en ressortent sont riches, précises et nuancées. Parler avec les personnes permet de clarifier les questions au besoin et la durée de l’entretien peut être adaptée selon leur disponibilité. Il est aussi possible de recontacter les personnes si on souhaite obtenir des précisions ou valider l’analyse de l’entretien.

Les questionnaires électroniques permettent de recruter de nombreuses personnes additionnelles tout en exigeant moins de temps pour le recrutement de personnes et l’analyse des données. Les questions et les choix de réponses doivent être formulés très clairement et le temps nécessaire pour y répondre ne doit pas être trop long, autrement, les gens risquent de fournir des réponses ambiguës ou d’abandonner sans répondre à toutes les questions. Dans le cas d’un questionnaire anonyme, il est impossible de contacter les personnes pour demander des précisions sur leurs réponses.

En somme, un questionnaire est un peu comme un râteau et un entretien individuel, une pelle. Le râteau permet de gratter facilement et rapidement une grande surface et de récolter toutes sortes de feuilles, de brindilles et autres matières organiques en une grande pile. Une pelle permet, au coût de nombreux efforts, de creuser profondément et de déterrer de belles pierres, des mauvaises herbes ou un fossile, ou encore de créer l’espace pour un arbre devant être transplanté. On ne creuserait pas un trou avec un râteau et on ne nettoierait pas une surface avec une pelle. Les deux outils sont différents, mais complémentaires au jardin.

En ce début de saison du jardinage qui m’inspire autant de méthaphores que d’envie de semer des fines herbes, je vous invite donc à prendre un moment pour remplir le questionnaire sur Odeimen et pour le diffuser largement dans vos réseaux.

Toutes les personnes qui répondent au questionnaire courent la chance de remporter des prix de participation :

  • Deux chèques-cadeaux pour le magasin d’art DeSerres ;
  • Un ensemble de peinture de Beam Paints.

Consultez l’infolettre no 8 pour connaître les raisons pour lesquelles j’ai choisi ces prix de participation.

Il n’est pas nécessaire de connaître le projet Odeimen pour participer, puisque le questionnaire a été construit de manière à le présenter ainsi que les œuvres créées par les artistes.

Si le questionnaire vise principalement les personnes résidant en Abitibi-Témiscamingue, il ne s’y limite pas. Je vous invite donc à le diffuser largement.

Merci de contribuer à enrichir cette recherche sur le projet Odeimen !

«RAVEN» VS «THE RAVEN» : SUR L’ÉCRITURE ANTHROPOLOGIQUE

Un commentaire de Bill Reid, publié en 1984 dans Culture, nous rappelle qu’il faut faire preuve de prudence et de vigilance par rapport à l’écriture.

Dans ce commentaire, Bill Reid exprime son agacement profond vis-à-vis d’une pratique qu’il juge courante chez les ethnologues : ceux-ci omettent selon lui généralement d’utiliser un déterminant lorsqu’ils font références aux créatures mythiques de la Côte-Nord-Ouest du Canada, préférant mettre une majuscule au nom de leur espèce ( ils écrivent « Raven » plutôt que « the raven »).

Pourtant, les aînés autochtones utilisent un article ou un nom propre vernaculaire pour parler des protagonistes des mythes autochtones, ce que l’écriture des  ethnologues devraient, selon Reid, refléter de manière à respecter ces aînés (1984 : 64). Il considère que cette pratique est peut-être attribuable à une association, en Occident, des mythes à des histoires pour enfants. Il donne en exemple la personnification de Winnie the Pooh, mais souligne en contraste que les monstres classiques, comme le Minotaure, sont décrits avec un déterminant (Ibid : 64).

Selon Reid, la suppression du déterminant, et surtout l’utilisation du nom de leur espèce plutôt que leur nom vernaculaire propre, diminue les grandes figures mythiques à des personnages de simples histoires folkloriques (64-65). Il conclut finalement :

« (…) [it] is an exercise in condenscension. For it is a device used only when recording the literature of tribal people, completely unsanctionned by any accepted standards of ordinary English usage, and is therefore discriminatory, and no matter how unconsicous its use, ultimately racist ». (65)

Cet exemple indique, selon moi, clairement comment des biais subtiles peuvent influencer le choix de vocabulaire des chercheurs.

Référence :

Reid, B. (1984). The Anthropologist and the Article. Culture4(2), 63–65.

L’entretien semi-dirigé : performance d’empathie et d’écoute

En tant qu’anthropologue, j’ai la chance de rencontrer des gens de différents horizons dans le cadre de projets de recherche variés. Leur parcours de vie et leurs expériences sont toujours fascinants et je reçois leur parole comme une richesse précieuse. Leur point de vue et leurs connaissances sont des données essentielles pour des projets de recherche : au-delà des statistiques, il y a des gens différents les uns des autres, des contextes variés. La recherche qualitative offre un regard précis, ponctué de variations et de nuances ainsi qu’une vue d’ensemble que l’on peut difficilement obtenir en ne collectant que des données quantitatives.

Comme je travaille souvent sur des projets de recherche en lien avec la santé en milieux autochtones, il arrive dans bien des cas que les gens que je rencontre aient vécu ou vivent au moment de l’entretien des expériences douloureuses et pénibles. Face à des personnes qui partagent avec moi leurs peines, leurs frustrations, leur colère et une gamme complète d’émotions, je tente d’être ouverte, respectueuse et de leur prêter une écoute active et empreinte d’empathie. Nous méritons tous d’être respectés et écoutés, mais comme  les Autochtones vivent très souvent des situations marquées par le racisme et la discrimination, il me semble d’autant plus importants de les traiter respectueusement et cordialement. En tant que chercheure mais aussi, tout simplement en tant que personne, je cherche à établir une connexion positive et un climat de confiance pendant les entretiens. Il est absolument essentiel pour moi que les entretiens soient des moments aussi positifs que possible pour les gens que je rencontre.

Or, cela s’avère exigeant pour plusieurs raisons. D’une part, je suis introvertie. Je dois donc sortir de ma zone de confort pour discuter avec des inconnus de choses souvent très personnelles et pour établir rapidement une relation positive avec eux. Afin de bien mener les entretiens semi-dirigés, je visualise un changement de mode : quand je commence un entretien, c’est comme si j’allumais un interrupteur et que je devenais plus extrovertie pour un moment. Je me rends disponible émotionnellement pour prêter une écoute empreinte d’empathie et de respect aux gens. Cela m’aide indéniablement à bien traiter les personnes que je rencontre et je suis fière de réussir à le faire, mais c’est aussi absolument drainant sur le plan mental et émotif, d’autant plus que je dois parfois rencontrer de nombreuses personnes dans de courts laps de temps. Il arrive que je fasse plus de dix entretiens par jour et comme ils durent généralement au moins une heure ; ce travail est donc également exigeant physiquement.

D’autre part, il arrive fréquemment que les propos des personnes que je rencontre m’affecte profondément.  Les expériences douloureuses qu’elles ont vécues et les émotions qu’elles vivent font naître en moi des sentiments intenses. Je me sens souvent impuissante devant les gens qui souffrent : j’aimerais pouvoir les orienter vers des ressources, mais celles-ci sont généralement peu nombreuses ou difficilement accessibles dans leur milieu. Je ne peux intervenir auprès de ceux qui leur causent des ennuis. N’étant ni psychologue, ni intervenante en travail social, je dois faire attention à ne pas transformer une activité de collecte de données en session de thérapie. J’accepte parfaitement que mes interlocuteurs se vident le cœur si cela pose un baume sur leur plaie, mais je ne peux pas me mettre en relation d’aide avec eux, n’étant ni outillée ni autorisée à le faire. Tout ce que je peux faire, c’est de les traiter avec tout le respect et l’empathie dont je suis capable.

Pour ces différentes raisons, je dois généralement me ressourcer et me reposer après avoir réalisé des entretiens. Je ne m’en plains pas, au contraire : je suis fière d’arriver à sortir de ma zone de confort et de faire l’effort de traiter mes interlocuteurs du mieux que je le peux. Je suis encore plus heureuse lorsqu’ils me disent que cela leur a fait du bien de parler, ou que j’ai  »une bonne écoute ». J’en suis non seulement fière, mais je suis aussi contente qu’ils aient profité de notre rencontre. Ils méritent d’être écoutés et respectés. Je ne me plains donc pas des exigences de mon travail, mais je trouve important de les souligner. On ne s’imagine pas d’emblée, lorsqu’on se lance en recherche, que cela peut nous mobiliser à ce point sur les plans émotionnels, mentaux et physiques. Je n’aurais jamais pensé, au moment de commencé des études en anthropologie, que je vivrais les entretiens semi-dirigés comme des performances. C’est un aspect auquel il est essentiel de réfléchir en tant que chercheur, notamment dans le cadre de notre formation universitaire. De plus, selon mon expérience, ce ne sont pas tous les chercheurs qui comprennent l’importance d’établir une bonne relation avec leurs interlocuteurs pour maximiser leurs chances d’obtenir des données riches et exactes. Et ce ne sont certainement pas tous les chercheurs qui tiennent à ce que les activités de collecte de données soient des moments aussi positifs que possible pour les personnes qu’ils rencontrent. Il y a là selon moi des enjeux de validité des données et, surtout, des enjeux éthiques et moraux qui méritent d’être réfléchis davantage.

Les plus beaux lieux où écrire à Québec

Chaque jour, je passe de nombreuses heures à écrire. Or, écrire à tous les jours et ce pendant des périodes de temps prolongées peut devenir fatiguant et l’inspiration peut se faire rare.

Plusieurs habitudes, techniques et outils aident à garder un bon niveau de créativité, d’efficacité et d’enthousiasme par rapport à l’écriture. Des logiciels permettent d’écrire sans distractions. Une planification méticuleuse aide à éviter le bloc de la page blanche. J’ai déjà partagé 3 habitudes gagnantes pour écrire souvent et efficacement.

Pour ma part, changer de lieu de travail m’est d’une grande utilité. Cela me donne un sentiment de nouveauté  et me redonne de l’énergie. Par ailleurs, certains lieux rendent le travail plus agréable et plus confortable. Travailler dans un café ou un salon de thé me plaît particulièrement, mais ces lieux sont parfois bruyants et les visiter régulièrement draine mon portefeuille.

Voici donc une liste de 4 endroits où il fait bon écrire à Québec (gratuitement et dans la tranquilité) :


Bibliothèque Monique-Corriveau

Cette grande bibliothèque se trouve dans une ancienne église. Les abonnés y ont accès à Internet sans-fil, et ses heures d’ouverture sont pratiques (entre 10h00 et 17h00 ou 21h00, selon les jours de la semaine). On y trouve un coin café et les locaux sont récents.

La bibliothèque de l’Assemblée Nationale

Peu d’entre nous pensent à l’Assemblée nationale comme lieu de travail. Pourtant, le public a accès à la bibliothèque de 8 h 30 à 16 h 30 tous les jours de l’année. Il est possible de réserver pour une visite guidée, de profiter de services d’orientation et de soutien à la recherche et l’Internet sans-fil. Bien entendu, travailler dans ce lieu s’avère particulièrement utile pour consulter des documents gouvernementaux canadiens et québécois, des journaux, des périodiques et des dossiers de presse.

Bibliothèque Saint-Jean Baptiste

Située sur la rue Saint-Jean dans l’ancienne église anglicane St-Matthew, cette bibliothèque offre l’Internet sans fil aux abonnés et est ouverte en après-midi toute la semaine et le vendredi à partir de 10h00. Il s’agit d’un lieu magnifique et le cimetière, devenu un parc, est un lieu approprié pour la lecture.  De nombreuses tables de travail munies de lampes et de prises de courant sont disponibles. Notez toutefois qu’il y fait parfois un peu chaud l’été!

La Maison de la littérature

Ce n’est que très récemment que j’ai découvert l’endroit merveilleux qu’est la Maison de la littérature. C’est maintenant mon lieu de travail favori! On y retrouve une exposition permanente sur la littérature québécoise, un salon de quiétude et plusieurs salles et sections de travail. La lumière qui baigne cet endroit est impressionnante et énergisante.  Il est permis de boire et de manger dans les salles de travail, alors apportez votre collation!

Je suis curieuse, quels sont les lieux où vous aimez écrire à Québec?

Les images proviennent du site de la bibliothèque de Québec et du site de la Maison de la littérature.

Photo Coffee Shop Study par Mark Grapengater sur Flickr.

3 habitudes gagnantes pour écrire

En tant que chercheuse et blogueuse, je passe une grande partie de mon temps à écrire.

Écrire, corriger, relire, éditer, couper, préciser, traduire, préciser et recommencer.

Or, pour écrire un texte de qualité dans des délais raisonnables et ce en dépit d’un emploi du temps chargé, j’ai développé des habitudes gagnantes que je souhaite partager avec vous. Elles m’ont été d’un grand secours pendant la rédaction de certaines séries publiées sur The Geek Anthropologist, notamment Anthropology in Outerspace. Cette série, produite sous la forme d’un échange spontanée entre deux collègues et moi sur le thème des représentations des anthropologues dans la science-fiction, m’imposait de produire des textes longs et détaillés dans des délais très rapides.

Je suis certaine que plusieurs étudiants à la maîtrise ou au doctorat qui vivent des difficultés par rapport à l’écriture de leur mémoire ou de leur thèse trouveront aussi dans ces habitudes gagnantes des solutions extraordinaires pour faire avancer leur projet d’écriture. Elles m’ont en effet permis de rédiger mon mémoire de maîtrise malgré un épuisement profond. Les voici!

1. Réserver du temps chaque jour

Peu importe l’agenda du jour, le temps qu’il fait ou que l’apocalypse soit imminente, il faut se réserver du temps pour écrire chaque jour. On oublie bien entendu la fin de semaine : il faut être reposé pour être productif. Donc, 5 jours par semaine, on garde la période de temps de notre choix, idéalement au moment de la journée pendant lequel notre productivité est maximale, et on ne fait qu’écrire. Qu’il s’agisse de 30 minutes ou de 3 heures, ce temps nous permettra d’avancer à un rythme constant.

2. Prendre des pauses

Après plusieurs heures de travail ininterrompu, je suis fatiguée, déshydratée, ankylosée et moins productive. De plus, rester assis trop longtemps a des effets désastreux sur notre santé. C’est pourquoi il est important de prendre des pauses fréquentes pour se rafraîchir les idées, bouger, s’hydrater, manger, etc. La méthode Pomodoro est particulièrement utile pour diviser les périodes de travail et les pauses.

3. Tais-toi et écris!

Dès que j’ai commencé à participer à des rencontres de travail sous le format Shut up and Write!, ma productivité a fait un bond impressionnant. Ces rencontres permettent de réserver des moments pour écrire, que ce soit une fois par mois ou plusieurs fois par semaine. Elles sont divisées en périodes de travail, ou sprints, en suivant par exemple la méthode Pomodoro. Ces sprints garantissent aux participants un moment de travail efficace et les pauses leur permettent de se reposer et de socialiser. Cette manière de travailler est idéale pour briser l’isolement souvent vécu par les chercheurs et les étudiants.

Voilà! J’espère que ces habitudes vous aideront à améliorer votre productivité et à terminer vos projets d’écriture, qu’il s’agisse d’un roman, d’une thèse ou d’un article.

Avez-vous déjà testé ces manières de travailler? Avez-vous d’autres habitudes gagnantes pour écrire ou travailler efficacement? Laissez-moi un mot dans les commentaires!

Photo Coffee Shop Study par Mark Grapengater sur Flickr.